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Un projet de barrage remontant à 1917 et abandonné seulement en 2001 a provoqué expropriations et déracinements,  
dévitalisé  une partie de la vallée et contribué ainsi à saper les équilibres naturels et socio-économiques  déjà fragilisés d'une région de montagne .
Il  a accentué , sur les rives du río Ara et la Solana ,  le   dépeuplement   déjà bien engagé du  Sobrarbe,
une des régions les moins densément peuplées d'Espagne et d'Europe

Deux  études incontournables

Une solide étude universitaire (1998)
2-Jánovas, víctimas  de un pantano de papel de Menjón  Marisancho
+ Infraestructuras hidráulicas

Quien me iba a decir a mí
que soñaba con el mar,
que en un maldito pantano, ayayay
mi casa iba a naufragar

La habanera triste,  Ronda de Boltaña 

définitions de termes géographiques

Le rio Ara près de Janovas

Le barrage d'El Grado sur le rio Cinca

 
L'Ara,  rivière née dans les Pyrénées aragonaises, à  la frontière française, se jette  à Ainsa dans le Cinca un des principaux affluents de l'Ebre.

 

Un projet de barrage remontant à 1917 et abandonné seulement en 2001 a provoqué expropriations et déracinements,  dévitalisé  une partie de la vallée et contribué ainsi à saper les équilibres naturels et socio-économiques  déjà fragilisés d'une région de montagne . Il  a accentué , sur les rives du río Ara et la Solana ,  le   dépeuplement   déjà bien engagé du  Sobrarbe, une des régions les moins densément peuplées d'Espagne et d'Europe
 
l'hémorragie démographique
du Sobrarbe
La zone des estives au pied
du Monte Perdido

    L'Ara, dépourvu d'aménagements hydrauliques jusque là , et donc encore sauvage, est l'un des derniers  cours d'eau  typiquement pyrénéen. Il en est de même de l'un de ses affluents , l'Arazas, protégé, lui, depuis la création du   Parc national d'Ordesa , au pied du Monte Perdido, le massif calcaire  le plus élevé d'Europe.

Le río Arazas

Un  projet remontant à 1917

 

 

Pourquoi en ce lieu ?

Si le premier projet remonte à 1917, c'est avec celui de 1951 - à l'époque d'une dictature franquiste soucieuse alors d'amorcer un nouveau développement économique -que se dévoilent pleinement les intentions d'aménagement de la vallée. A quiconque ignore ou veut ignorer  les conséquences environnementales sociales et économiques  d'un tel projet, le site présente des avantages :

  • Pour le lac de retenue principal  : une vallée pyrénéenne (à environ 700m d'altitude), qui s'élargit et dont la pente s'affaiblit entre Fiscal et Jánovas.
  • Pour le barrage :un rétrécissement de la vallée entre Jánovas et Boltaña, lorsque le río Ara traverse l'anticlinal de Boltaña .
  • Pour la centrale principale : une dénivellation forte  entre Jánovas (720 m) et Boltaña (580m ) exploitable par  une conduite forcée  capable de fournir une grande puissance à des turbines situées 120 m plus bas.

 

Evolution du projet et atermoiements (1917-2001)

quels objectifs ?

  • En 1917, fournir de l'eau à quelques activités industrielles ou artisanales le long du cours de l'Ara. Mais le temps passe et rien ne se fait

  • en 1945, une concession est accordée à Iberduero; A partir de 1951 - on prévoit les expropriations et on affirme  les objectifs :

    •  produire de l'hydro-électricité pour répondre aux besoins de l'industrie dans la vallée de l'Ebre

    • satisfaire en aval les besoins de l'agriculture irriguée du Somontano et de la vallée de l'Ebre . Ce projet rentre, en effet,  dans une politique globale d'aménagement du bassin du río Cinca avec les retenues de  Mediano et de El Grado

Liens externes sur l'histoire du barrage

 

Congosto de Jánovas et anticlinal de Boltaña

quel projet technique ?

Plusieurs niveaux de retenue ont été étudiés entre les cotes  710m et 746 m ( cette dernière en 1972). Dans les années 60 et 70, à l'époque de la dictature franquiste  les expropriations ont été réalisées sans ménagement, mais aucune solution technique précise ne s'imposa, et si d'autres projets dans le bassin du Cinca ont été menés à bien, rien de décisif ne fut ici construit.

A l'époque post-franquiste le projet est repris,  précisé, remanié;  dans ses grandes lignes; en 1993 il prévoit  un complexe hydro-électrique composé

  • avant tout d'une prise d'eau à la cote 710 m,

  • d'une conduite forcée de 111m de dénivellation jusqu'à la centrale dite de Jánovas, à la sortie du congosto de Jánovas.

  • d'une seconde retenue en aval  près de Ainsa

  • et d' une centrale alimentée par le  río Ara et les eaux du Cinca dérivées par conduites à partir d'un barrage prévu à Escalona.( projet de 1993)

Mais finalement en 2001; le gouvernement Aznar, pourtant très favorable au développement des équipements hydrauliques ( v. ci-après PNH),   finit par renoncer à la construction du barrage de Jánovas suite à une étude d'impact environnemental "négative" . Un renoncement définitivement confirmé en 2005.

JÁNOVAS
un maillon du système hydraulique du bassin du Cinca et de l'Ebre

 

La centrale de La Fortunada

 

Les Pyrénées véritable château d'eau, contrastant avec l'aridité de la partie centrale de la vallée de l'Ebre
 

Le Cinca, dans lequel se jette l'Ara à Ainsa a constitué une pièce maîtresse de la politique de l'eau dans le bassin de l'Ebre  :

  • la réalisation de conduites forcées, et de canaux d'amenée fournit la force hydraulique aux barrages s'échelonnant dans la vallée en amont de Ainsa. Ces barrages permettent de produire de l'électricité et  de participer à la modernisation du pays mais seulement   en aval car dans cette vallée pyrénéenne  aucune implantation industrielle  majeure  n'a vu le jour contrairement à ce qui s'est passé . autour de Sabiñanigo dans la vallée du Gallego.

Irrigation dans la basse vallée du río Cinca
  •  les retenues et les barrages de Mediano (1974) et deEl Grado (1967-1969) favorisent  l'irrigation du Piémont pyrénéen ou de la vallée  de l'Ebre mais  elles ont détruit plusieurs villages ou hameaux par l'ennoiement de la vallée au Sud de Ainsa et provoqué l'expropriation de 1200 personnes

 
Canal Cinca alimenté
par le barrage de El Grado
 
vue panoramique de la partie nord de la retenue de Mediano

Le bas Cinca

agriculture irriguée de la vallée du Cinca au sud de Monzón

"De l'eau et de l'énergie pour l'extérieur "
 
"...solo querían agua, montañas y electricidad."
El Pais perdido,  Ronda de Boltaña
           http://www.rondadors.com

Dans son étude sur le dépeuplement du Sobrarbe(1) José Maa Cuesta souligne, le double sort réservé de facto à cette région lors de l'intégration du Sobrarbe -espace périphérique-  à l'espace national - ou central -au XXe siècle  : producteur d'énergie et d'eau d'une part, réserve d'espace d'autre part. L'électricité est dirigée vers la Catalogne et la France ou vers Monzón ou Huesca et Saragosse. Quant à l'irrigation si elle a fortement progressé en aval grâce aux barrages d'amont, elle a en revanche reculé de près de 20% entre 1945 et 1994 en Sobrarbe.

Le haut Cinca

Le clocher du village englouti de Mediano

 

 

La nécessité d'une
politique hydraulique
 réflexion de  Joaquín Costa 1846-1911, réformateur de la "génération de 1898"
 
L' Espagne est un fleuve à sec
 
"¡España es un río seco!... se necesita una civilización que apague la sed de agua que abrasa a los campos, y la sed de saber y luz que padecen los cerebros"
Política hidraúlica, cité dans les notes de Tiempo de silencio de Luis Martín Santos,Crítica 2005
http://www.eumed.net/ce/2004/efc-hidrau.htm
http://www.eumed.net/cursecon/economistas/costa.htm

 

La Confédération hydrographique  de l'Ebre

données SIG remarquables

Organisme public gestionnaire du bassin de l'Ebre depuis 1926, il a inscrit  son action dans le prolongement de la réflexion de Joaquín Costa ( lire l'introduction et voir les affiches anciennes incluses dans le  rapport d'activités 2001)

 

de transfert en transfert

Finalement le barrage de Jánovas pouvait constituer un maillon supplémentaire du programme hydraulique aragonais en faveur du Somontano et de la vallée de l'Ebre... mais dans une politique globale qui peut donner le vertige, on pouvait concevoir d'autres transferts  ce qui fut proposé par le gouvernement de J.M. Aznar dans le cadre du  plan hydrológico nacional  (PHN)  impulsé  en 2001 ( plan aujourd'hui  profondément remis en cause ) :

  •  transvasement d'une partie des ressources en eau du bassin de l'Ebre vers les régions méridionales très consommatrices d'eau (agriculture  et tourisme) dans les huertas notamment de Valence et Murcie. Projet très contesté en Aragon région plus sèche dans la vallée de l'Ebre que celle de Murcie.

  • et même, si l'Europe avait donné son feu vert, transvasement du Rhône à la Catalogne.

Un projet grandiose ne mesurant pas suffisamment , une nouvelle fois encore , l'impact environnemental et social, privant le Haut-Aragon de ses ressources, et ne remettant  en question ni les gaspillages en eau ni une agriculture productiviste qui ignore facilement que l'eau n'est pas un bien inépuisable.

 

 

 

 

La politique de l'eau en Espagne

 

Liens externes sur le PNH de 2001

Liens sur le programme A.G.U.A. de 2004
(actuaciones para la gestión y la utilización del agua)
  • http://www.mma.es/agua/entrada.htm

  • autres liens

     

    pour enrichir le débat

    Riegos del  Alto Aragón
    Coagret

     

       

       Finalement le barrage ne se fera pas, mais peut-on se contenter d'écrire comme le fait une brochure touristique du Sobrarbe  : "Lors de nos promenades il est fort recommandable de parcourir... le village sauvé de l'inondation, Janovas"... C'est oublier un peu vite que le mal est fait , que le village est en ruines, qu'il n'y a plus aucun habitant, que des vies ont été brisées, que des équilibres économiques et sociaux ont été détruits, que pressions et répressions se sont exercées à l'encontre de tous ceux qui contestaient une telle politique. Le site de Jánovas très vivant autrefois peut apparaître si lugubre à certains moments que des  touristes pressés  pensent qu'il s'agit d'un village détruit pendant la guerre civile...

    Le barrage ne se fera pas mais le mal est fait

     

     suite  bientôt...

      suite bientôt ...

     suite bientôt ...

     

    (1) José María Cuesta : La despoblación del Sobrarbe ¿Crisis demográfica o regulación?, ed. ceddar 2001